L’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle pose le principe de l'indépendance de la propriété intellectuelle par rapport à la propriété de l'objet matériel. Quid de la propriété des supports matériels des photographies réalisées par un photographe pour un magazine et financées par l’éditeur ?
Droit des biens vs droit d’auteur
Un photographe a réalisé des reportages pour le magazine « Lui » édité par la société Filipacchi (aux droits de laquelle se trouve la société Hachette Filipacchi presse) entre 1974 et 1984. Il assigne cette dernière en réparation du préjudice résultant du fait que la société ne lui a pas restitué les clichés photographiques dont il lui avait remis les négatifs pour la reproduction dans ce magazine, alors même qu’il ne lui en avait pas cédé la propriété corporelle. Pour s’opposer à cette demande, la société a soutenu être propriétaire des supports matériels des photographies litigieuses.
La cour d’appel, retenant que la société ne rapportait pas la preuve de l’acquisition des supports, a condamné la société à payer des dommages-intérêts en réparation du préjudice patrimonial résultant de la non-restitution des clichés photographiques. La Cour de cassation de son côté, sous le visa de l’article 544 du Code civil (propriété corporelle) et de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle (distinction propriété corporelle et propriété immatérielle), casse l’arrêt des juges du fond dans sa décision du 28 octobre 2015 (n°14-22.207, P+B+I).
“Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la société avait financé les supports vierges et les frais techniques de développement, ce dont il résultait qu’elle était le propriétaire originaire desdits supports, la cour d’appel a violé les textes susvisés”.
En l’occurrence, pour la Cour de cassation, il n’y a pas à rechercher de cession de la propriété corporelle des supports ni une autre preuve que celle de leur financement, la société éditrice se trouvant, du fait de ce dernier, investie des droits originaires. La Cour casse en conséquence l’arrêt d’appel, “sauf en ce qu’il déclare irrecevable la demande de restitution des clichés photographiques”.
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