Un arrêt du 12 janvier 2012 (Civ 1, n° 10-24696) est l'occasion pour la Cour de cassation de faire application de la définition de l’œuvre collective figurant à l'article L113-2 du Code de la Propriété intellectuelle.
Dans cette affaire, la société Labrador réalisait pour la société Total des avis de convocation aux assemblées générales ainsi que des brochures de présentation. Elle réalisait en outre des documents de référence pour Total et Gaz de France.
Lorsque ces dernières se sont tournées vers une autre société pour effectuer ces missions, la société Labrador a revendiqué les droits d'auteur patrimoniaux et moraux sur les mises en page de ces documents. Selon elle, la nouvelle société se serait contentée de reproduire servilement ses propres documents, lesquels constitueraient des œuvres collectives.
Rappelons en effet que si le salarié est titulaire des droits d’auteur sur ses créations réalisées au sein de l’entreprise, ce n’est pas le cas des œuvres dites collectives, l’entreprise en détenant alors les droits ab initio (voir La propriété intellectuelle en entreprise : lien très étroit entre titularité et contrat de travail !).
L’article L113-2 CPI définit l’œuvre collective comme :
“ l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé.”
De l’avis de la société Labrador, les mises en page revendiquées constituaient des œuvres collectives en présentant un caractère original résultant de la combinaison de différents éléments tels que :
- l'éclatement des sommaires en un sommaire principal et différents sommaires détaillés par chapitre,
- l'adoption d'une mise en page spécifique pour ces deux types de sommaires se caractérisant par :
le choix des couleurs utilisées, la typographie et la configuration des textes et des titres, l'adoption de liserés supérieurs et inférieurs de couleur (reliés entre eux, pour les sommaires, par une fine bande de la même couleur), le positionnement, la typographie et la dimension des titres et sous-titres, la numérotation des pages et des chapitres, ainsi que leur présentation et leur positionnement, et le surlignage particulier des graphiques.
La cour d'appel ne l'a pas suivi dans ce raisonnement. Or c'est à celui qui revendique la titularité des droits d'auteur de le prouver. Pour trancher, la Cour de cassation reprend pas à pas l'article L 113-2 du CPI relatif à l'oeuvre collective :
- L'oeuvre a-t-elle été créée sur l'initiative de la société Labrador ?
- Ladite société a-t-elle édité, publié et divulgué l'oeuvre sous sa direction et son nom ?
De ces réponses découlent la solution du litige :
" Mais attendu qu'ayant retenu,- d'une part, que la société Labrador ne démontrait pas que les œuvres collectives alléguées aient été créées à son initiative et sous sa direction- et, d'autre part, que les documents financiers en cause avaient été diffusés et exploités par les sociétés Total et Gaz de France sous leur propre nom, la cour d'appel, qui a ainsi souverainement apprécié la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis et qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a légalement justifié sa décision ".
En conséquence, la présomption de titularité invoquée par la société Labrador n'a pas été jugée pertinente.
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