29 novembre 2011

La propriété intellectuelle en entreprise : lien très étroit entre titularité et contrat de travail !

Les inventions des salariés* et leurs créations** suivent un régime juridique bien different. Pourtant, les clauses du contrat de travail y afferentes doivent, pour les premières comme pour les secondes, être précisées avec soin.


* Les inventions des salariés marquées par le critère de la nouveauté, peuvent conduire au dépôt de brevets et sont attribuables à l’em-ployeur sous certaines conditions (voir infra); 
** alors que les créations des salariés (logo, photographies, site internet...), font appel au critère d'originalité pour pouvoir être protégées par le droit d'auteur et sont attribuables au salarié, ici aussi sous certaines conditions.

Les créations salariées doivent donc faire l'objet d'une cession de droits pour être exploitables par l'employeur, contrairement aux inventions.

1. Les inventions des salaries


En l’espèce, un salarié, “technicien de création”, avait été licencié pour faute grave pour avoir déposé, à titre personnel et sans en avoir informé son employeur, un brevet d’invention en rapport avec l’activité qu’il exerçait au sein de l’entreprise. Ceci alors que le Code de la propriété intellectuelle organise un procédure de déclaration auprès de l’employeur en telle hypothese (article L611-7, 3° et R. 611-1 du CPI). 
Cet arret est l’occasion pour la Cour de rappeler que :

« l’invention faite par le salarié dans l’exécution du contrat de travail comportant une mission inventive appartient à l’employeur ».

A suivre la Cour, les juges du fond auraient dû rechercher, en tout premier lieu, si le contrat de travail du salarié comportait une mission inventive. D'où l'importance de sa rédaction.

Or, bien que l’arret n’en dise mot, la mission inventive décrite dans le contrat de travail doit correspondre, aux termes de l'article L611-7, 1°, aux "fonctions effectives du salarié" (cf Invention de salarié : de l’importance des mentions du contrat de travail, Lucien Flament, Cahiers sociaux du Barreau de Paris, 1er novembre 2011 n° 235, p. 276). 
En effet, l'article L611-7, 1° CPI dispose :

Les inventions faites par le salarié dans l'exécution soit d'un contrat de travail comportant une mission inventive qui correspond à ses fonctions effectives, soit d'études et de recherches qui lui sont explicitement confiées, appartiennent à l'employeur”.

"Toutes les autres inventions appartiennent au salarié", poursuit le 2 du meme article qui organise les hypothèses dans lesquelles l’employeur peut se faire attribuer la jouissance ou la proprieté des droits (hypothèses des inventions hors mission), à savoir :
lorsqu'une invention est faite par un salarié soit dans le cours de l'exécution de ses fonctions, soit dans le domaine des activités de l'entreprise, soit par la connaissance ou l'utilisation des techniques ou de moyens spécifiques à l'entreprise, ou de données procurées par elle ”...


2. Les créations des salariés

"L’originalité des salariés serait-elle dangereuse pour les entreprises ?débute l'éditorial de la revue “Le journal du Management juridique et réglementaire”, consacré au droit d'auteur (feuilletable ci-dessous*** ). S'agissant des créations des salariés et hormis quelques exceptions comme le logiciel****, le Code de la propriété intellectuelle n'organise pas d’attribution automatique des droits à l'employeur, à la différence des inventions. 

Il sera donc tout d'abord recommandé d'insérer une clause de cession des droits patrimoniaux sur les créations du salarié dans le contrat de travail. Pour chacun des droits cédés, le domaine d’exploitation devra être délimité quant à sa durée, son étendue, sa destination et son lieu (art. L131-3 CPI).

Cependant, "si les créations doivent faire en principe l’objet d’une cession de droit d’auteur spécifique pour que l’entreprise puisse les exploiter, une cession globale des œuvres futures insérée dans le contrat de travail n’est pas suffisante, du moins lorsque il ne s’agit pas d’œuvres collectives", est-il rappelé par la revue
.

Pour mémoire, l'oeuvre est collective lorsque l'employeur, par exemple, donne des directives, impulse une direction, selon l'article L113-2 CPI ... et qu'il peut le prouver par des écrits ! C'est là où la rédaction des clauses du contrat de travail et des descriptions des missions sera primordiale. La qualification d'oeuvre "collective" permettra ainsi à l'employeur de jouir des droits patrimoniaux :
"L'oeuvre collective est, sauf preuve contraire, la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. Cette personne est investie des droits de l'auteur." (article L113-5 CPI)
Encore faut-il, en cas de pluralité d'auteurs salariés ayant créé l'oeuvre, que les contributions de chacun ne soient pas individualisables, ce qui aurait pour conséquence la qualification d'œuvre de collaboration où chaque auteur se partage la titularité (Caprioli et Associés, Le régime des créations salariées : panorama et solutionsCaprioli-avocats.com, janvier 2008).

Quatre étapes sont donc à envisager pour chaque salarié créateur nouvellement embauché, résumées ainsi (par le Journal du Management juridique et réglementaire) :



D'autre part, une compensation financière, distincte de la rémunération, est à prévoir en échange de la cession ou la licence consentie par le salarié. Il reste le droit moral, incessible quant à lui.

Il est recommandé par ailleurs que le contrat de travail prévoie, outre une obligation de loyauté, une
obligation d'information de l'employeur concernant toute création ou invention créée par le salarié, que ces dernières aient un lien direct ou indirect avec sa fonction, avec le domaine d'activité de l'entreprise mais également avec les informations ou méthodes accessibles dans l'entreprise (Le régime des créations salariées : panorama et solutionsCaprioli-avocats.com).

Un éclairage sur la charte des TIC est quant à lui fort utile. Quelle est son utilité, comment lui donner une valeur juridique pour qu'elle soit opposable aux salariés ?

Signe des temps, la revue ci-dessous aborde par ailleurs la responsabilité présumée de l'entreprise en cas de téléchargement illégitime de logiciels par les salariés, suite à la loi Hadopi.


Sandrine Rouja
____________

*** Journal du Management juridique et réglementaire n° 27 (revue pour les services juridiques, Issuu.com), Dossier : Le droit d'auteur en entreprise (p. 7 et s.), source : village de la Justice, Village-justice.com/articles/Parution-Journal-Management-juridique,11165.html.
**** Les 3 exceptions pour lesquelles l'employeur peut exploiter les créations salariales sans accord préalable écrit du salarié sont : l'oeuvre collective, le logiciel et l’article de presse écrit par un journaliste professionnel ou assimilé. 



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