En matière de publication en ligne, la seule accessibilité d’un site Internet sur le territoire français n’est pas suffisante pour retenir la compétence des juridictions françaises, prises comme celles du lieu du dommage allégué, sans rechercher si les propos litigieux étaient destinés au public français.
Deux sœurs de nationalité japonaise et/ou américaine domiciliées au Japon, ont fait citer une troisième personne de nationalité sud-africaine devant le tribunal correctionnel, du chef de diffamation publique envers des particuliers. En cause, deux textes rédigés en anglais sur un site internet américain, évoquant les relations professionnelles entretenues au Japon par les intéressés.
Les juges du premier degré comme ceux de la cour d'appel se sont déclarés incompétents, ce que confirma la Cour de cassation.
La cour d'appel énonça tout d'abord que, si les infractions de presse sont réputées commises en tout lieu où les propos incriminés ont été reçus, lorsque ces derniers ont été diffusés sur le réseau internet, la compétence territoriale du tribunal français saisi, qui ne saurait être universelle, ne peut être retenue que si les pages du site les contenant sont à destination du public français ; Les juges ajoutent que, ni les propos, en langue anglaise, qui visent des personnes de nationalité japonaise et/ ou américaine domiciliées au Japon et portent sur des événements qui se sont déroulés dans ce pays, ni le site internet américain sur lequel ils ont été mis en ligne par une personne qui n’était pas de nationalité française, ne sont orientés vers le public français, peu important que ce site soit accessible depuis le territoire national.
La chambre criminelle de la Cour de cassation approuve ce raisonnement dans son arrêt du 12 juillet 2016 :
"en l’absence de tout critère rattachant au territoire de la République les propos incriminés, la circonstance que ceux-ci, du fait de leur diffusion sur le réseau internet, aient été accessibles depuis ledit territoire ne caractérisait pas, à elle seule, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître".La chambre commerciale avait jugé de même en 2011 (Cass. com. 20 sept 2011, n° 10-16569) à propos d'Ebay, société de droit américain, présentant ses produits en langue anglaise (V. Droit de l'internet : la compétence du juge français sur internet est toujours subordonnée à la destination du site au public français, Avocat-lorang.com, 27 juill. 2016) :
"la seule accessibilité d’un site Internet sur le territoire français n’est pas suffisante pour retenir la compétence des juridictions françaises, prises comme celles du lieu du dommage allégué, et sans rechercher si les annonces litigieuses étaient destinées au public de France, la cour d’appel a privé sa décision de base légale".
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