2 juin 2016

La jurisprudence de la Cour de cassation explicitée par les juges au sein même de l'arrêt, une véritable rénovation !

Article paru parallèlement dans Le Village de la Justice, le 2 juin 2016.
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Une nouvelle ère dans l’accomplissement de l'œuvre juridique de la Cour de cassation !

Si d'aucuns relèvent que le droit se complexifie avec la multiplication de règles, pas toujours prises en cohérence les unes avec les autres, l'on note en parallèle une volonté de simplifier, de clarifier le droit.
A titre d'exemple, la notion obsolète de "bon père de famille" a disparu du code civil pour se voir substituer le terme de "raisonnable"; Le nouveau code civil applicable au 1er octobre prochain se veut plus clair et plus lisible, donc plus accessible ; La présentation des décisions du Conseil constitutionnel viennent d'être dépoussiérées avec l'abandon du "considérant que "; La Cour de cassation ... 

La Cour de cassation, quant à elle, a aussi une volonté de clarification de sa jurisprudence depuis plusieurs années (1). Parfois, pour les arrêts les plus importants, une courte analyse est insérée sur Legifrance, provenant du juge qui a émis la solution de l’affaire. Quelques phrases viennent synthétiser la quintessence de l’arrêt (2).

Une nouvelle étape, et non la moindre, est franchie avec l'arrêt de la chambre commerciale en date du 22 mars 2016, n° 14-14218, laquelle va beaucoup plus loin dans l’analyse.

C'est le premier arrêt marquant "une nouvelle ère dans l’accomplissement de (l')œuvre juridique" de la Cour de cassation, relève le Pr Bruno Dondero dans la Gazette du Palais [3]). Ce dernier pointe du doigt avec raison la difficulté, parfois, de comprendre la jurisprudence de la Haute-juridiction. "Au vrai, ce n’est pas seulement le sens exact d’une décision qui peut prêter à interprétation, mais également sa portée et son articulation avec d’autres décisions".

L'arrêt du 22 mars 2016 innove avec la présentation des différentes étapes du raisonnement des juges et la mise en perspective avec les décisions précédentes : 
"Attendu que la Cour de cassation jugeait depuis longtemps que "... 
"Attendu que cette solution a toutefois été abandonnée par la troisième chambre civile de cette Cour, qui a récemment jugé que "... 
"que pour sa part, la première chambre civile énonce que"
pour conclure "« Attendu qu’il y a lieu d’adopter la même position ; qu’en effet" ...
Un deuxième arrêt rendu en matière d’infractions de presse par la première chambre civile le 6 avril dernier, n° 15-10552, procède de même (les passages significatifs sont mis en exergue dans l'extrait ci-dessous).

Si l'on peut regretter que ces clarifications n'interviennent que pour les décisions les plus importantes, cette évolution est véritablement à saluer.


(1) Voir par exemple les notes explicatives ou la hiérarchisation des arrêts (P. B. R. I.).
(2)  Les analyses se trouvent tout au bas de la page de l'arrêt en question sur Legifrance; Par exemple, pour le célèbre arrêt Nikon, : "Le salarié a droit, même au temps et au lieu du travail, au respect de l'intimité de sa vie privée ; celle-ci implique en particulier le secret des correspondances. L'employeur ne peut dès lors ...  ".
(3) Cour de cassation : des arrêts plus explicites ? Bruno Dondero, Gazette du Palais, 24 mai 2016 n° 19, P. 51 ; Du juge qui dit le droit au juge qui explique le droit (Cass. com., 22 mars 2016, n° 14-14218), Brunodondero.com, 17 avr. 2016.
V. aussi Quelle motivation pour les arrêts de la Cour de cassation ? Introduction au droit, Par Hervé Croze, Univ-droit.fr.

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Extrait de l'arrêt rendu en matière d’infractions de presse, Civ. 1, 6 avril 2016, n° 15-10552 :

Attendu que, selon une jurisprudence constante, la chambre criminelle de la Cour de cassation décide qu'elle a le devoir de vérifier, d'office, si la citation délivrée est conforme au texte susvisé et, notamment, qu'elle mentionne le texte qui édicte la peine sanctionnant l'infraction poursuivie ; que la première chambre civile de la Cour de cassation a cependant jugé que la seule omission, dans l'assignation, de la mention de la sanction pénale encourue, que la juridiction civile ne peut prononcer, n'était pas de nature à en affecter la validité (1re Civ., 24 septembre 2009, pourvoi n° 08-17. 315, Bull. n° 180) ; que, toutefois, par arrêt du 15 décembre 2013 (pourvoi n° 11-14. 637, Bull. n° 1), l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, saisie de la question de la validité d'une assignation retenant pour le même fait la double qualification d'injure et de diffamation, a affirmé que l'article 53 de la loi du 29 juillet 1881 devait recevoir application devant la juridiction civile ; que cette décision, qui consacre l'unicité du procès de presse, conduit à une modification de la jurisprudence précitée, justifiée par la nécessité d'unifier les règles relatives au contenu de l'assignation en matière d'infractions de presse, que l'action soit engagée devant la juridiction civile ou la juridiction pénale ";

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