10 mars 2016

Concurrence déloyale sans prétention à la contrefaçon de brevets: art.145 CPC, compétence du tribunal de commerce et articulation avec une clause attributive de juridiction

Une société a développé et commercialisé un produit similaire à celui breveté par une deuxième société. Des mesures d'instruction sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ont été demandées au président d’un tribunal de commerce afin d’extraire des différents ordinateurs de la première société « l’ensemble des caractéristiques techniques du fût développé et commercialisé par la société ».

Demande de rétractation des ordonnances et exception d’incompétence

Les requérants avançaient, devant la chambre commerciale de la Cour de cassation, l'argument selon lequel les actions civiles et les demandes relatives aux brevets d’invention, y compris lorsqu’elles portaient également sur une "question connexe de concurrence déloyale", étaient exclusivement portées devant des tribunaux de grande instance ; Qu'en l'occurrence, il s'agirait nécessairement d'une demande relative à un brevet, désignant ainsi le tribunal de grande instance comme seul compétent. A ceci près qu'aucune contrefaçon de brevet n'était arguée ...

Faire état de brevets sans prétendre à leur contrefaçon, mais seulement à de la concurrence déloyale, exclut le droit des brevet

Ce qui amène la Cour de cassation, rejetant ce moyen, à trancher en faveur de la compétence du tribunal de commerce (Com. 16 févr. 2016, V. l'arrêt Dalloz-actualite.fr [PDF])  :
"Mais attendu que l’arrêt relève que si, dans la requête, les sociétés Abzac font état, à plusieurs reprises, de l’existence d’un brevet portant sur le fût qu’elles produisent, elles n’invoquent que des actes de concurrence déloyale auxquels elles seraient exposées, sans prétendre à la contrefaçon de ce brevet ; que de ces constatations, faisant ressortir que l’action au fond envisagée n’était pas relative à des droits de brevet, la cour d’appel, qui n’a pas méconnu les termes de la requête et qui a répondu, en les écartant, aux conclusions prétendument délaissées, a exactement déduit que le président du tribunal de commerce était compétent pour ordonner la mesure d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile."
Une clause attributive de compétence territoriale inopposable

Le second moyen reprochait à l'arrêt d'appel de se borner à énoncer que les demandes des sociétés avaient un fondement délictuel. Il mettait en avant un contrat d’assistance technique comportant une clause attributive de juridiction qui désignait comme seul compétent, en cas de litige, le tribunal de commerce de Libourne. Or, toujours selon le moyen, le créancier qui se prévaudrait d’une méconnaissance par le débiteur de ses obligations contractuelles pour demander une mesure d’instruction in futurum, devrait respecter la clause attributive de compétence. Ce moyen est aussi rejété :
"Mais attendu que le président d’un tribunal de commerce saisi, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile, de requêtes tendant à ce que soient ordonnées des mesures devant être exécutées dans le ressort de plusieurs tribunaux, est compétent pour ordonner les mesures demandées, à la condition que l’une d’entre elles doive être exécutée dans son ressort, sans qu’une clause attributive de compétence territoriale puisse être opposée à la partie requérante ; que l’arrêt relève que l’une des mesures ordonnées par les ordonnances susvisées devait être exécutée au siège de la société AAC, soit à Pessac, dans le ressort du tribunal de commerce de Bordeaux ; que par ce motif de pur droit, substitué, après avertissement délivré aux parties, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ".

Source :  Com. 16 févr. 2016, n°14-25.340, Dalloz-actualite.fr [PDF])

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