9 août 2015

Les limites de la reconnaissance des décisions entre États membres : règle de droit essentielle et droit fondamental

Quid de l'hypothèse où le juge d'un Etat membre estimerait que la décision du juge d'un autre Etat membre a mal appliqué son droit national ou le droit de l’Union européenne ? Quelle latitude a-t-il pour refuser la reconnaissance d’une décision émanant de cet autre État membre ?

Ainsi que le rappelle clairement l'affaire n° C‑681/13 qui a donné lieu à l'arrêt CJUE du 16 juillet 2015, le juge d'un Etat membre ne saurait refuser la reconnaissance d’une décision émanant d’un autre État membre au seul motif qu’il estime que, dans cette décision, le droit national ou le droit de l’Union a été mal appliqué. Il importe, au contraire, de considérer que, dans de tels cas, le système des voies de recours mis en place dans chaque État membre, complété par le mécanisme du renvoi préjudiciel prévu à l’article 267 TFUE, fournit aux justiciables une garantie suffisante.

" La clause de l’ordre public ne serait appelée à jouer que dans la mesure où ladite erreur de droit impliquerait que la reconnaissance de la décision concernée dans l’État requis entraînerait la violation manifeste d’une règle de droit essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dudit État membre." (Concl. M. Szpunar).

Et de poursuivre : s’il n’appartient pas à la Cour de définir le contenu de l’ordre public d’un État membre, il lui incombe néanmoins de contrôler les limites dans le cadre desquelles le juge d’un État membre peut avoir recours à cette notion pour ne pas reconnaître une décision émanant d’un autre État membre.

Se posait dès lors la question en l'espèce : la directive sur les droits de propriété intellectuelle constitue-t-elle une règle de droit essentielle ? Réponse négative pour la première chambre de la Cour.

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CJUE, 16 juillet 2015, n° C‑681/13, aff. Diageo Brands BV c. Simiramida-04 EOOD
La Cour dit notamment pour droit que :
"le fait qu’une décision rendue dans un État membre est contraire au droit de l’Union ne justifie pas que cette décision ne soit pas reconnue dans un autre État membre au motif qu’elle viole l’ordre public de cet État dès lors que l’erreur de droit invoquée ne constitue pas une violation manifeste d’une règle de droit considérée comme essentielle dans l’ordre juridique de l’Union et donc dans celui de l’État membre requis ou d’un droit reconnu comme fondamental dans ces ordres juridiques.
Tel n’est pas le cas d’une erreur affectant l’application d’une disposition telle que l’article 5, paragraphe 3, de la directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992" (...).

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