25 novembre 2014

Diffamation sur internet : date de la prescription des actions publique et civile

En matière de propos diffamatoires, à partir de quelle date court le délai de prescription de trois mois de l’action publique et de l’action civile lorsque ces propos sont émis lors d’un conseil municipal, puis sont publiés sur un site internet à une date ultérieure et comment se calcule ce délai ?

La chambre criminelle de la Cour de cassation du 12 novembre 2014, n° 13-84.444 (F-P+B), rappelle en visa l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, à savoir que les propos diffamatoires se prescrivent par trois mois révolus à compter du jour où elles ont été commises ou du jour du dernier acte de poursuite, s'il en a été fait, et ajoute que “ce délai se calcule de quantième à quantième et expire le dernier jour à minuit“. Ainsi, dès lors que les propos diffamatoires ont été publiés en ligne, c’est la date de cette publication qui fait courir le délai de prescription. Encore fallait-il l’établir précisément.

Dans cette affaire, le maire de Bayonne avait tenu, lors d’un conseil municipal du 26 mai 2011, des propos estimés diffamatoires et injurieux par le plaignant. Le procès-verbal du conseil reproduisant ces propos avait été approuvé lors de la séance du conseil municipal du 22 août 2011 avant d’avoir été mis en ligne sur le site de la mairie. La citation du maire par acte du 23 novembre 2011 était-elle trop tardive ? Le plaignant faisait valoir, conformément à la jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation depuis l’arrêt du 16 octobre 2001 (n°00-85728), que “lorsque des poursuites pour l'une des infractions prévues par la loi du 29 juillet 1881 sont engagées en raison de la diffusion, sur le réseau internet, d'un message figurant sur un site, le point de départ du délai de prescription de l'action publique prévu par l'article 65 de la loi précitée doit être fixé à la date du premier acte de publication ; que cette date est celle à laquelle le message a été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs” et non pas celle lorsque ces propos ont été émis lors du conseil municipal. Le maire soutenait pour sa part que le procès-verbal du 22 août 2011 a été mis en ligne le jour même, alors que le plaignant faisait valoir que les réunions du conseil se prolongent tard et que la mise en ligne n'a pas pu intervenir avant le 23 août 2011, soit le lendemain.

Les juges du fond ont estimé l’action publique éteinte et la constitution de partie civile irrecevable. Pourtant, la Cour de cassation relève que le tribunal correctionnel a retenu souverainement le 23 août 2011 au plus tard comme date de publication en ligne desdits propos. La Haute juridiction estime donc que c'est “le 23 novembre 2011 à minuit qu'(est) venu à expiration le délai de prescription de l'action publique”, soit trois mois révolus à compter de la mise en ligne.

 

L’arrêt (Crim., 12 nov. 2014, n° 13-84.444, F-P+B) :

Vu l'article 65 de la loi du 29 juillet 1881 ;

Attendu qu'il ressort des dispositions de ce texte que l'action publique et l'action civile résultant des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse se prescrivent par trois mois révolus à compter du jour où elles ont été commises ou du jour du dernier acte de poursuite, s'il en a été fait ; que ce délai se calcule de quantième à quantième et expire le dernier jour à minuit ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, par acte du 23 novembre 2011, M. X... a fait citer, sur le fondement des articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881, M. Y..., maire de la commune de Bayonne, pour avoir tenu, à l'occasion de la séance du conseil municipal en date du 26 mai 2011, des propos qu'il a estimé diffamatoires et injurieux à son égard ; que le procès-verbal du conseil municipal du 26 mai 2011 reproduisant ces propos a été mis en ligne à la disposition du public sur le site de la mairie ; que le tribunal ayant souverainement retenu le 23 août 2011 au plus tard comme date de publication en ligne desdits propos, a constaté l'extinction de l'action publique et l'irrecevabilité de la constitution de partie civile de M. X... ; que ce dernier et le ministère public ont relevé appel de la décision ;

Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris et dire l'action publique éteinte par la prescription, l'arrêt prononce par les motifs repris au moyen ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors que c'est le 23 novembre 2011 à minuit qu'était venu à expiration le délai de prescription de l'action publique, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé ;

D'où il suit que la cassation est encourue ;

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire