Une correspondance personnelle et privée contenant des expressions diffamatoires visant un tiers et qui perd son caractère confidentiel du fait de son destinataire et de tiers ne peut plus entrainer de sanctions pour diffamation non publique.
Tel est la conclusion de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation, censurant par la-même un arrêt de la cour d’appel dans une décision du 14 mai 2013 (n° 12-84042, publiée au bulletin, P+B. Arrêt paru sur Dalloz-actualite.fr du 10 juin).
Pour ce faire, la Cour dégage, au visa des articles 29 al. 1 de la loi du 29 juillet 1881 et R 621-1 du code pénal, le principe suivant :
“ les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant une personne autre que le destinataire du message qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que si cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ”.
La Cour relève en l’espèce que
“ le courriel litigieux a revêtu le caractère d'une correspondance personnelle et privée, (mais) a perdu son caractère confidentiel (…) par le fait de son destinataire et de tiers”.
D’où il s’ensuit que la contravention de diffamation non publique ne pouvait plus être établie, contrairement aux décisions de première instance et d’appel.
L’arrêt
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :
- M. Alain X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 6 avril 2012, qui, pour diffamation non publique, l'a condamné à deux amendes de 38 euros, et a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu les mémoires personnel, en défense et les observations complémentaires produits ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, alinéa 1, de la loi du 29 juillet 1881, et R 621-1 du code pénal ;Vu lesdits articles ;
Attendu que les expressions diffamatoires contenues dans une correspondance personnelle et privée, et visant une personne autre que le destinataire du message qui les contient, ne sont punissables, sous la qualification de diffamation non publique, que si cette correspondance a été adressée dans des conditions exclusives de tout caractère confidentiel ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que, s'estimant mises en cause par les termes d'un courriel adressé à M. Emmanuel Y..., son ex-gendre, par M. Alain X..., Mme Agnès X... et Mme Eva Z... ont fait citer celui-ci, du chef de diffamation non publique, devant le tribunal de police ; que le tribunal a retenu le prévenu dans les liens de la prévention ; que M. X... a relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer le jugement entrepris, et dire établie la contravention de diffamation non publique, l'arrêt retient que, si le message envoyé par le prévenu était personnel, il n'était pas pour autant confidentiel, et avait dès son envoi de bonnes chances d'être porté à la connaissance des personnes qui y étaient mentionnées, en plus de leur destinataire, cette éventualité étant probablement recherchée par le prévenu ; que la cour d'appel ajoute que le destinataire ne constituait pas avec le prévenu et les parties civiles un groupement de personnes liées par une communauté d'intérêts, compte tenu des oppositions familiales et des affirmations contenues dans le message concernant plusieurs proches ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, par des motifs hypothétiques, alors que le courriel litigieux a revêtu le caractère d'une correspondance personnelle et privée, et n'a perdu son caractère confidentiel que par le fait de son destinataire et de tiers, ainsi que la Cour de cassation est en mesure de s'en assurer, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et le principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ; que, n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond, elle aura lieu sans renvoi, ainsi que le permet l'article L. 411- 3 du code de l'organisation judiciaire ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation proposés :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 6 avril 2012 ;
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