31 octobre 2012

Photographier des oeuvres d’art d’un musée à des fins de commercialisation : procédure

Conseil d'État, n° 341173, 29 octobre 2012

Un  photographe, nourrissant le projet de photographier des oeuvres exposées au musée des Beaux-Arts de Tours pour les publier par la suite dans des ouvrages scolaires, d'art ou dans la presse, en demanda l'autorisation au maire de la commune. Ayant essuyé un refus, l’affaire fut portée devant les tribunaux. La décision de rejet du maire fut validée dans un premier temps par le tribunal administratif, puis annulée par la cour d’appel de Nantes dans son arrêt du 4 mai 2010, avant de parvenir devant le Conseil d’Etat.

Ce dernier, dans son récent arrêt du 29 octobre 2012, relève que, conformément à l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, les collections des musées font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire. Or, la photographie d'oeuvres relevant des collections d'un musée à des fins de commercialisation des reproductions photographiques obtenues est considérée comme une utilisation privative du domaine public mobilier. Une autorisation préalable est donc bien nécessaire en vertu de l’article L. 2122-1 du même code, laquelle pourra être refusée, sans aller à l’encontre de la liberté du commerce et de l'industrie, ainsi qu’il est mentionné dans l’extrait ci-dessous.
L’on peut penser que la photographie pour des ouvrages scolaires uniquement aurait pu recevoir un écho plus favorable dans la mesure où elle joue plus avec la notion d’intérêt public.

 

Extraits

 

“2. Considérant que l'autorité chargée de la gestion du domaine public peut autoriser une personne privée à occuper une dépendance de ce domaine ou à l'utiliser en vue d'y exercer une activité économique, à la condition que cette occupation ou cette utilisation soit compatible avec son affectation et sa conservation ; que la décision de refuser une telle autorisation, que l'administration n'est jamais tenue d'accorder, n'est pas susceptible, par elle-même, de porter atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie, dont le respect implique, d'une part, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi et, d'autre part, qu'elles ne puissent prendre elles-mêmes en charge une activité économique sans justifier d'un intérêt public ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, entré en vigueur à la date de la décision implicite du maire : " Sans préjudice des dispositions applicables en matière de protection des biens culturels, font partie du domaine public mobilier de la personne publique propriétaire les biens présentant un intérêt public du point de vue de l'histoire, de l'art, de l'archéologie, de la science ou de la technique, notamment : /(...) 8° Les collections des musées (...) " ;


4. Considérant que la prise de vues d'oeuvres relevant des collections d'un musée, à des fins de commercialisation des reproductions photographiques ainsi obtenues, doit être regardée comme une utilisation privative du domaine public mobilier impliquant la nécessité, pour celui qui entend y procéder, d'obtenir une autorisation ainsi que le prévoit l'article L. 2122-1 du même code ; qu'une telle autorisation peut être délivrée dès lors qu'en vertu de l'article L. 2121-1 de ce code, cette activité demeure compatible avec l'affectation des oeuvres au service public culturel et avec leur conservation ; qu'il est toutefois loisible à la collectivité publique affectataire d'oeuvres relevant de la catégorie des biens mentionnés au 8° de l'article L. 2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques, dans le respect du principe d'égalité, de ne pas autoriser un usage privatif de ce domaine public mobilier sans que, ainsi qu'il a été dit au considérant 2, puisse utilement être opposé à ce refus aucun droit, fondé sur le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, à exercer une activité économique sur ce domaine public ;


5. Considérant que, par suite, en se fondant, pour faire droit à la requête de l'EURL Photo Josse, sur ce que la décision du maire de Tours avait opposé un refus pur et simple à la demande de l'entreprise sans examiner avec elle la possibilité d'exercer son activité dans des conditions compatibles avec les nécessités de la gestion du musée municipal et du respect de l'intégrité des oeuvres, alors que des autorisations de photographier des oeuvres de ce musée avaient auparavant, et à plusieurs reprises, été délivrées à des photographes professionnels dans le cadre de conventions particulières fixant les conditions des prises de vues et de leur utilisation, pour juger que le maire de la commune avait méconnu le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, la cour a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;”

 

Source, “Le maire peut il s’opposer à la prise de vues d’oeuvres relevant des collections d'un musée ?”, Gazettedupalais.com ;
Arianeinternet.conseil-etat.fr

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