11 avril 2011

Commande passée par téléphone, une question de preuve


Peut-on conclure un contrat par la seule commande téléphonique  ?

Une société de commerce d'aliments pour le bétail, alléguant la commande par téléphone d’une société agricole pour des montants de plus de 1500 euros, procède à la livraison. L’entreprise agricole, de son côté, conteste avoir commandé la marchandise ou même l’avoir reçu.

Les règles de la preuve du contrat


Selon le moyen et à suivre l’article 1315 du Code civil, c’est à celui qui se prévaut d'une obligation d'en rapporter la preuve.
Or, si la preuve d'un acte juridique portant sur une valeur inférieure à 1 500 euros peut être faite par tous les moyens, la preuve des actes de valeur supérieure doit être rapportée par écrit (art 1341 Code civil)*. Quid alors des commandes passées par téléphone et aussitôt exécutées ?
En matière commerciale, la preuve est libre et peut être rapportée par tous moyens, même pour les actes de valeur supérieure à 1 500 euros. Il en va différemment pour les actes mixtes conclus entre un commerçant et un non commerçant, comme en l’espèce.
Cependant, en cas d'impossibilité matérielle ou morale de fournir une preuve écrite, la preuve pourra alors être apportée par tous moyens. C’est ainsi que la chambre commerciale de la Cour de cassation, dans son arrêt du 22 mars 2011, n° 09-72426, valide l’appréciation souveraine des juges du fond avec cet attendu :
« La cour d'appel, usant de son pouvoir souverain d'appréciation de l'impossibilité morale de se procurer une preuve littérale de l'acte juridique résultant de l'usage en matière agricole qui autorise les parties à conclure verbalement les ventes d'aliments pour le bétail, a estimé que ces commandes pouvaient être faites par téléphone et ne pas être concrétisées par un écrit daté et signé par le client ». (souligné par la rédaction)

La jurisprudence est constante : les juges apprécient souverainement le fait qu’une partie se trouve dans « l’impossibilité morale » de se procurer un écrit et apprécient les compléments de preuve. L’usage en fait partie.

Sandrine Rouja
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* Outre la formalité du double original de l'article 1325 du Code civil, lorsque l'acte juridique est un contrat synallagmatique ; plus celle qui exige autant d'exemplaires que de personnes avec un intérêt opposé


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