2 février 2015

Une question de preuve : quand l’accord de confidentialité est ineffectif devant le juge

« Dire le secret d'autrui est une trahison, dire le sien est une sottise » Voltaire

Le siècle des Lumières ne connaissait pas encore l'accord de confidentialité. Il peut être astucieux en effet de vouloir partager ce secret, ne serait-ce que pour conclure un partenariat, ou encore céder ce secret.
 

C'est là où la régulation du secret des affaires entre en jeu. Un premier projet de loi fut déposé, puis laissé à l'abandon, un deuxième est venu à sa suite, concurremment au projet européen*, et enfin cette brève apparition et tout aussi soudaine disparition du projet de loi Macron.

Tout ceci ne doit pas faire oublier que conclure un contrat de confidentialité pour se protéger de toute "sottise", est certes utile, mais une fois devant le juge, il s'agira de prouver les allégations de violation de l'accord, comme nous y invite précisément ce jugement du 2 octobre 2014 TGI de Nanterre (1ère chambre, Digitre c/ Néo Avenue et X).

Il ressort de cette décision que sauf à indiquer clairement devant le juge quelles informations confidentielles auraient été dévoilées et utilisées fautivement, les prétentions ne pourront être accueillies, par manque de preuve. Et ce, en vertu de l'article 6 du code de procédure civile, "à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les fait propres à les fonder".

Dans cette affaire, la société Drimki, dénommée Digitre, a mis en place un site internet dans le domaine immobilier. Des discussions avaient eu lieu entre cette société et une autre en vue d’un éventuel partenariat. A cet effet, le directeur commercial de cette dernière signait un engagement de confidentialité.

Le partenariat envisagé n’a pas abouti. Le directeur commercial a créé sa propre société, Néo Avenue, et mettait en ligne un site internet concurrent de vente immobilière. Estimant que celui-ci avait violé son engagement de confidentialité, mettant en jeu sa responsabilité contractuelle, et que sa société avait commis des actes de concurrence déloyale engageant sa responsabilité délictuelle, en créant un site internet concurrent en connaissance de cause de la violation par son dirigeant de cet engagement, la société Digitre les a fait assigner. Les ressemblances avec son propre site Internet prouveraient que le directeur commercial n’avait pas respecté les obligations de confidentialité et de non utilisation des informations recueillies.

Pour le tribunal, évoquer des ressemblances avec son propre site Internet ne suffit pas. Il est nécessaire de bien indiquer avec précision les informations confidentielles utilisées pour démontrer ainsi qu’il y a eu faute.

“Cette décision, malheureusement classique, illustre l’impérieuse nécessité de prévoir de la manière la plus précise dans tout engagement de confidentialité la teneur des informations couvertes par cet accord et échangées entre les parties. A défaut, l’accord est vain.” (Fidal _Newsletter_Propriete_intellectuelle-Technologies_de_l_information_N.89.pdf).


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* La directive européenne relative à la protection des savoir-faire et secrets d'affaires devrait passer en séance plénière le 28 avril 2015 si on en croit sa fiche de procédure, voir l'onglet "Où en est-on", le point "1.2. Europe".

Le jugement (extrait):

Sur la violation alléguée de l’engagement de confidentialité 
Selon l’article 6 du code de procédure civile, à l’appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d’alléguer les fait propres à les fonder.
(...) [La société Digitre, au soutien de ses demandes indemnitaires] n’indique cependant pas quelles seraient les informations confidentielles en question qui auraient été dévoilées et utilisées fautivement par M. N. et la société Néo Avenue. 
Il s’ensuit que, faute d’alléguer de façon suffisamment précise les faits propres à les fonder, ses prétentions ne peuvent être accueillies.”

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