28 mai 2014

Extraction d'une base de données concernant une sélection d'adresses URL reflétant des choix éditoriaux personnels : contrefaçon de base de données

Une base de données est susceptible d'être protégée par le droit d'auteur lorsque il y a originalité dans les tables des matières, l'architecture ou dans la composition, mais aussi par le droit spécifique des producteurs des bases de données (loi du 1er juillet 1998).

Un arrêt de la première chambre civile du 13 mai 2014, n° 12-25.900, FS-P+B, met l'accent sur la première hypothèse, la contrefaçon de droit d'auteur en matière de base de données.

Au centre de cette affaire un système de contrôle parental sur internet mis au point par la société Xooloo, selon lequel aucun site n'est accessible aux mineurs sauf ceux répertoriés sur une liste blanche, le « Guide Juniors ». La société a conclu un contrat de mise à disposition de son « Guide Junior » avec Wanadoo, aux droits de laquelle vient France Télécom, devenue Orange. Ayant découvert qu’une société tierce, la société Optenet, avait élaboré la même « liste blanche », Xooloo a assigné en contrefaçon de base de données et en concurrence déloyale les sociétés Optenet et Optenet Center, puis a assigné en intervention forcée la société France Télécom, devenue société Orange.

L'appropriation illicite de cette base de données, la "liste blanche", a entraîné, d’une part, l’engagement de la responsabilité de France Telecom en ce que la société a permis et facilité l’extraction en violation notamment d’une clause de confidentialité d’un contrat de mise à disposition, mais aussi, d’autre part, a donné lieu à des actes de contrefaçon de droit d’auteur, puisque l’extraction de la base concerne une sélection d'adresses URL reflétant "des choix éditoriaux personnels" selon les juges du fond.

Orange fait grief à l’arrêt d’appel de l’avoir condamnée in solidum avec Optenet notamment à des dommages-intérêts. La Cour de cassation approuve les juges du fond en tous points et rejette le pourvoi.

De la responsabilité de France Telecom (premier moyen)


France Télécom est reconnue responsable “pour avoir manqué à ses obligations contractuelles en ne mettant pas en oeuvre une solution de cryptage, en violant la clause de confidentialité et en acceptant que sa filiale (Nordnet) viole délibérément les engagements contractuels souscrits par ses soins”. Ce faisant, France Télécom a commis des “fautes contractuelles qui (ont) permis et facilité l'appropriation illicite de la base de données par la société Optenet et avaient concouru à la réalisation du dommage“.

Des extractions entrainant la reconnaissance d’actes de contrefaçon de droit d'auteur (second moyen)

Les juges du fond ont retenu que la liste blanche portait une sélection d'adresses URL reflétant “des choix éditoriaux personnels”, son contenu étant en conformité à la charte qui gouverne la démarche de la société Xooloo. Par ailleurs, 1000 adresses URL complètes et 974 noms de domaines de la « liste blanche » de Xooloo se retrouvaient dans la base incriminée : "la société Optenet a constitué une base de données fondée sur le même principe, dont la partie visible présentait avec la partie non cryptée de la base de données de la société Xooloo un taux d'identité s'élevant à 35,05 % des adresses URL complètes (...), et à 59,82 % des noms de domaine.”
La cour d'appel en a justement déduit que ces actes de reproduction constituaient des actes de contrefaçon de droit d'auteur.

Notons que parmi les adresses URL de la liste se cachaient des adresses dites « sentinelles » délibérément tronquées par Xooloo (ce qui fait penser au jugement du 13 avril 2010 du TGI de Paris, V. Adresses piégées comme preuve de l’extraction illicite d’une base de données, Legalis.net).


Voir le contexte : jugement de première instance , T. com. Paris, 17 déc. 2009, Sté Xooloo c/ Sté Optenet et a., RLDI, fevr. 2014, n°57, p.p. 34,35, consultable ici : Publication/rldi57.

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