Cassation criminelle, 30 octobre 2012, n° 10-88.825, FS-P+B
En matière de communication en ligne, l’article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 fait peser sur le producteur, et ce à défaut du directeur de la publication et de l’auteur du message, une responsabilité comme auteur principal, constatait la cour de cassation dans sa rédaction d’une question prioritaire de constitutionnalité à l’intention du Conseil constitutionnel (arrêt du 21 juin 2011, n°11-80.010).
L’arrêt du 30 octobre 2012, dont un extrait est reproduit ci-dessous, a ceci d’original qu’il annule, purement et simplement, une décision de la cour d'appel de Rouen du 10 novembre 2010 par un moyen de cassation relevé d’office. Pas n’importe quel moyen, puisqu'il s’agit de celui pris de la violation de fameux article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982, tel qu’il a été interprété par le Conseil constitutionnel le 16 septembre 2011.
En l’espèce, le président de l'association de défense des intérêts des habitants d’une commune, a été reconnu par la cour d’appel comme l’auteur de faits de diffamation publique envers un député-maire pour avoir publié, sur l'espace de contributions personnelles du site de cette association, les propos d'un internaute. L’arrêt de la cour d’appel l’a considéré comme auteur du message litigieux dès lors qu'il assumait aux yeux des internautes et des tiers la qualité de producteur du blog de l'association, ainsi qu’il parait dans l’extrait ci-après.
Pour la chambre criminelle de la Cour de cassation, les juges du fond auraient dû “rechercher si, en sa qualité de producteur, M. X...avait eu connaissance, préalablement à sa mise en ligne, du contenu du message litigieux ou que, dans le cas contraire, il s'était abstenu d'agir avec promptitude pour le retirer dès qu'il en avait eu connaissance”.
Extrait
“ Sur le moyen de cassation relevé d'office après avis donné aux parties, pris de la violation de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle, interprété selon la réserve émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision QPC n° 2011-64 en date du 16 septembre 2011 ;
Vu ledit article ;
Attendu qu'il se déduit de ce texte que la responsabilité pénale du producteur d'un site de communication au public en ligne mettant à la disposition du public des messages adressés par des internautes n'est engagée, à raison du contenu de ces messages, que s'il est établi qu'il en avait connaissance avant leur mise en ligne ou que, dans le cas contraire, il s'est abstenu d'agir promptement pour les retirer dès le moment où il en a eu connaissance ;
Attendu que, pour dire établis à l'encontre de M. X..., président de l'association de défense des intérêts des habitants des Bas-Heurts-La Varenne, les faits de diffamation publique envers M. Y..., député-maire de Noisy-le-Grand, pour avoir publié, sur l'espace de contributions personnelles du site de cette association, les propos d'un internaute ainsi libellés : " Par ailleurs, M. Y... cumule plusieurs mandats (député, maire) : sont-ils compatibles avec d'autres fonctions (dans l'immobilier par exemple) ? Ne confond-il pas intérêts personnels et spoliation des " petites gens " ? ", l'arrêt attaqué retient notamment que M. X...doit être considéré comme l'auteur du message litigieux dès lors qu'il assume aux yeux des internautes et des tiers la qualité de producteur du blog de l'association susvisée sans qu'il puisse opposer un défaut de surveillance dudit message ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si, en sa qualité de producteur, M. X...avait eu connaissance, préalablement à sa mise en ligne, du contenu du message litigieux ou que, dans le cas contraire, il s'était abstenu d'agir avec promptitude pour le retirer dès qu'il en avait eu connaissance, la cour d'appel n'a pas fait l'exacte application de l'article 93-3 de la loi du 29 juillet 1982 modifiée sur la communication audiovisuelle, au regard de la réserve du Conseil constitutionnel susvisée ;
D'où il suit que l'annulation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de cassation proposé :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rouen, en date du 10 novembre 2010, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Versailles (…)”
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